RECONSTRUIRE UNE MAISON À TOIT PLAT

Résumé

Cet article a pour objectif de rendre accessibles des informations sur la construction d’une maison à toit plat, en ayant en tête ce qu’on voit dans certains quartiers centraux de Montréal: des maisons dont le toit se draine par le milieu et qui sont souvent construites en rangée, c’est-à-dire collées les unes aux autres.

En fait, on a ici affaire à deux réalités ou plutôt à deux périodes historiques: celle de la construction initiale de ces maisons, qui remonte parfois à un siècle; et celle de la période actuelle, où on les reconstruit parce qu’elles ont brûlé ou parce qu’on veut construire plus gros pour y loger plus de gens ou pour y loger des gens plus confortablement.

Dans la première partie, on donne des indications sur la façon d’ériger les maisons à toit plat il y a un siècle, en nous référant surtout au travail d’un architecte québécois qui s’est intéressé à l’héritage des bâtisseurs d’autrefois.

Puis, on décrit un peu en détail une maison particulière, une maison ouvrière du quartier Villeray à Montréal, qui, semble-t-il, a été construite en 1910. Cette maison a la particularité d’avoir un escalier intérieur et un puits de lumière à l’étage.  Elle est aussi construite sur deux poutres de fondations transversales au lieu de la poutre unique qui, dans les autres maisons, va de l’avant jusqu’à l’arrière.  Mais à côté de ces aspects intéressants, sa structure révèle des approximations surprenantes dans l’ajustement des murs porteurs les uns par rapport aux autres, comme si les constructeurs comptaient que de toute façon, la charge trouverait bien le moyen de se soutenir sur les murs existants, porteurs ou non, et que la maison éviterait de carrément s’effondrer.  La structure est généralement en bois plein, comme il est normal pour cette période, mais on constate, à l’examen, que les pièces de bois sont disposées avec un peu de fantaisie, heureusement sans grandes conséquences.

Enfin, une troisième partie expose la reconstruction (virtuelle) de cette même maison, dont on veut autant que possible respecter le caractère, mais en intégrant certaines façons de faire actuelles, quand elles semblent d’authentiques améliorations.  Ainsi, les dimensions de la maison seront intégralement respectées (elle ne sera pas agrandie), mais il nous faudra sacrifier un puits de lumière qui mettrait en danger la solidité du toit:  une fois bien isolé, celui-ci sera plus lourd que le toit actuel à cause du poids de la neige que la chaleur du toit ne fera plus fondre et un puits de lumière nuirait autant à l’isolation qu’à la solidité du toit.

Nous avons choisi, pour les planchers et le toit, de laisser de côté le bois plein, surtout parce que les fermes de plancher ou de toit industrielles actuelles permettent de couvrir une portée de 25 pieds (7.62 mètres).  Mais nous gardons un oeil sur leurs limites.  Certaines fermes industrielles (à base de 2 x 2) séduisent par leur légèreté et leur facilité d’installation (sans parler de leur prix).  Mais elles ont leurs points faibles, que leurs fabricants ne cachent d’ailleurs pas.  Quand aux fermes plus lourdes (souvent en 2 x 4 ou en 2 x 6), elles ne sont pas modifiables une fois commandées et sont encombrantes à installer.  De plus, elles semblent brûler facilement et leurs connecteurs métalliques, soumis au feu, semblent se retourner sur eux-mêmes et causer l’effondrement rapide de la maison.

Pour tout ce qui regarde la finition, cet article ne fournit que des esquisses de solution et il faut se reporter à d’autres sources pour le compléter.

***

Nous allons imaginer qu’une petite maison montréalaise de deux étages, à toit plat, construite en 1910, disparaît presque entièrement dans un incendie.  Nous allons supposer qu’il n’en reste que les fondations et les quatre murs de briques.  Comme il s’agit d’une maison en rangée, située du côté ouest d’une rue orientée nord-sud, elle est attachée à deux autres maisons,  l’une du côté nord, l’autre du côté sud.  Autrement dit, son mur latéral sud est collé au mur latéral nord d’une autre maison et son mur latéral nord est collé au mur latéral sud d’une autre maison.  La maison occupe 25 pieds (7.62 mètres) de front (ou de largeur); dans l’autre sens, elle fait 35 pieds (10.67 mètres) de profondeur, 40 pieds (12.19 mètres) si l’on ajoute un débord de toit de 5 pieds à l’arrière, débord qui existe aussi au niveau du rez-de-chaussée et au niveau de l’étage.

Nous voulons reconstruire à l’identique, c’est-à-dire refaire la maison dans le cadre de ses murs de brique, sans l’agrandir et sans y construire d’ajout sur le toit.  Nous envisageons cependant quelques améliorations: une colonne de ventilation autonome doublera la colonne de chute actuelle; l’entre-toit sera agrandi afin d’être isolé selon les normes actuelles et même au-delà. La maison est munie d’un escalier intérieur (inhabituel) que nous allons conserver et d’un puits de lumière que nous ne pourrons pas, hélas, conserver.  Mais avant d’entrer dans le détail d’une éventuelle reconstruction, il faut trouver le plus de renseignements possibles sur les techniques de construction du temps.  Nous ferons ensuite un examen visuel aussi précis que possible de la maison telle qu’elle est maintenant. Mais disons d’abord deux mots de l’urbanisme rudimentaire des maisons en rangée à Montréal.

1) Les maisons en rangée à Montréal

De nombreux quartiers centraux de Montréal sont constitués de maisons à toit plat.  En voici un exemple:

maisons en rangée Villeray 2.12-2017

PHOTO 1: Maisons en rangée de deux étages rue Boyer, à Montréal; on aperçoit, à droite, le Centre culturel Jean-Marie-Gauvreau, dont la façade donne sur la rue Jean-Talon; cette photo a été prise début décembre 2017.

Ces maisons sont faites pour maximiser l’espace disponible, pour «densifier» comme on dit actuellement.  C’est pourquoi leur toit est plat, plus précisément en pente légère vers le milieu, où se fait le drainage: fini le toit en pente avec ses pertes d’espace, malgré sa plus grande résistance aux infiltrations d’eau.  Souvent, elles sont ornées d’escaliers extérieurs peu esthétiques, mais qui permettent d’économiser l’espace pris par la cage d’escalier et permet aussi de simplifier la construction.

Un architecte décrit la structure d’une maison à toit plat construite vers 1915-1920

On continue actuellement à faire (ou à refaire) ce type de maison.  Mais il est difficile de trouver des manuels (d’amateurs ou de professionnels) qui expliquent comment elles sont construites.  Un ouvrage, pourtant, nous éclaire sur le sujet.  Il s’agit d’un livre de l’architecte Jules Auger, qui l’a d’abord conçu pour instruire les pompiers des caractéristiques des édifices où ils doivent combattre des incendies: il s’agit de Mémoire de bâtisseurs du Québec, Répertoire illustré de systèmes de construction du 18e siècle à nos jours, publié à Montréal, aux Éditions du Méridien, en 1998.

Jules Auger s’intéresse notamment à un immeuble construit vers 1915 ou 1920, qu’il a sans doute pu étudier lors de travaux de rénovation, peut-être liés à la démolition d’un immeuble adjacent.  Voici d’abord deux photos de cet immeuble:

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PHOTO 2: Vue du 7094-7108 Christophe-Colomb, à Montréal, à partir du sud-est; photo prise mi-décembre 2017.

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PHOTO 3: Vue du 7094-7108 Christophe-Colomb, à Montréal, à partir du nord-ouest; on notera que cet immeuble est le premier d’une enfilade de maisons de trois étages à toit plat; photo prise mi-décembre 2017.

Nous allons nous intéresser surtout au 7604-7608, puisqu’il s’agit d’une structure proche de notre maison, malgré ses trois étages, et que Jules Auger en dégage explicitement le squelette.

Examinons les détails des fondations et de l’entre-toit de cette maison:

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SCHÉMA 1: Détails des fondations et de l’entre-toit du 7104-7108, rue Christophe-Colomb, à Montréal, comme explicités par Jules Auger, dans Mémoire de bâtisseurs du Québec, Répertoire illustré de systèmes de construction du 18e siècle à nos jours, Montréal, Éditions du Méridien, 1998, p. 111.  Noter que la poutre de fondations, placée dans le sens de la profondeur de la maison, est constituée de plusieurs madriers de 3 pouces par 11 pouces.  Noter aussi que les pentes du toit sont confectionnées, sous les chevrons en pièces de 2 x 6 disposés aux 24 pouces, avec des 3 x 3 horizontaux reposant sur des poteaux en 3 x 3 dont la hauteur diminue en allant vers le drain de toiture; il s’agit, en quelque sorte, de fermes de toiture fabriquées sur place et espacées de 3 pieds.

Voici, enfin, des indications sur la manière d’utiliser un mur porteur de briques dans une maison en rangée:

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SCHÉMA 2: Noter les espaces vides dans le mur de briques, destinés à recevoir les solives. « On a systématiquement recours au mur mitoyen comme mur porteur», dit l’auteur, p. 110.

(Qui veut s’informer du détail des techniques de construction à cette époque peut consulter  un livre publié entre 1896 et 1906 et accessible en ligne: Frank E. Kidder, Building Construction and Superintendence, New-York, W. J. Comstock.)

2) Examen visuel «enrichi» de notre maison de 1910

Notre maison est plus modeste que celle de la rue Christophe-Colomb étudiée par Jules Auger, mais sa structure s’en rapproche, car il s’agit d’une maison en rangée construite à peu près à la même période.  Comble de chance, peut-être, Jules Auger a aussi collaboré à un petit livre  sur ce type de maison, qui a été publié d’abord en 1979, puis réimprimé en 1982 et en 2007 (avec des titres variables): Johanne Lavallée, Liette Charland, Robert Paradis et Jules Auger, Ce qu’il faut savoir pour rénover une maison, Montréal, Libre Expression (titre de 1982).

Cet ouvrage consacre une quarantaine de pages à l’étude de la structure d’une maison d’une maison à toit plat de deux étages et fournit de précieuses indications sur la structure de notre maison, que confirme l’observation visuelle quand elle est possible.  (Notons, en passant, qu’on ne peut pas obtenir de l’arrondissement les plans originaux de la maison, puisque sont seulement disponibles les plans des maisons construites depuis 1922.) 

Fondations et structure du plancher du rez-de-chaussée de notre maison de 1910

Les fondations de notre maison sont faites de pierres  et sont, de ce fait, très résistantes.  Les poutres, au nombre de deux, sont encastrées dans les murs de fondations et disposées dans le sens de la largeur de la maison (25 pieds, soit 7.62 mètres).  Des solives sont appuyées sur les poutres, de même, aux extrémités, que sur les fondations elles-mêmes:fondations-solives-jpeg.jpgSCHÉMA 3: Fondations de pierres, quatre demi-poutres encastrées et des solives disposées perpendiculairement par dessus; schéma adapté de Johanne Lavallée et autres (dont Jules Auger), Ce qu’il faut savoir pour rénover une maison, Montréal, Libre Expression,  1982, p. 22.

Ici, les poutres de fondations sont «composées», c’est-à-dire formées de madriers en bois brut (non plané) collés les uns aux autres.  La poutre du côté est fait 7 pouces de largeur par 9 pouces de hauteur (mesures réelles).  Celle du côté ouest fait 8 pouces de largeur par 9 pouces de hauteur.  Le charpentier a probablement utilisé les matériaux qu’il avait sous la main et il ne faut pas chercher de raison particulière à la différence de largeur entre les poutres.  D’autant plus qu’il s’agit en fait de sections de poutres, longues d’environ 12 pieds, qui se rejoignent sur la colonne centrale.  Ces colonnes de bois ont connu quelques vicissitudes et, dans les années 1980, elles ont été remplacées par des vérins de métal dont le haut est fixé aux sections de poutres. (Pour plus de sûreté, les tronçons de poutres de fondations ont été réunis par des pièces métalliques faisant au total un quart de pouce.)

IMG_0332[1]PHOTO 4: Sections de poutre de fondations qui se rencontrent au milieu de la cave, sont reliées par deux pièces métalliques d’un huitième de pouce chacune et soutenues par un vérin de métal fixé aux pièces de métal.

Sur ces poutres de fondations reposent 12 solives de 2 x 9 disposées aux 24 pouces et orientées est-ouest  Détail à noter, la solive 6 (on compte du sud en allant vers le nord, soit de la gauche vers la droite), est doublée sur les deux-tiers de sa longueur, peut-être pour qu’elle s’appuie bien sur les tronçons de poutres de fondations, qui se rencontrent à peu près à la poutre 6.  Fait intéressant, pour le tiers ouest de l’espace, c’est la solive 8 qui est doublée.  Il s’agissait sans doute de mieux soutenir le plancher de la cuisine, à l’endroit où on disposait autrefois un lourd poêle de fonte.

Au-dessus des solives orientées est-ouest, on a installé des planches d’un pouce en bois brut orientées nord-sud, qu’on a recouvertes d’un plancher de bois franc d’assez bonne qualité.

Le plancher du rez-de-chaussée s’incline légèrement vers le centre, notamment parce que les colonnes des poutres de fondations se sont peu à peu affaissées (le bois a pourri et une colonne de remplacement en béton était franchement improvisée) et les vérins mis en place dans les années 1980, avaient pour objectif de sauvegarder ce qui était en place et non de forcer la structure à se redresser totalement.

Structure du plancher de l’étage

La structure du plancher de l’étage dépend évidemment des murs du rez-de-chaussée, dont certains servent de murs porteurs pour les solives de l’étage (orientées nord-sud et non plus est-ouest comme celles du rez-de-chaussée).  Il y a un espace de 23 pouces, centre à centre, entre la solive double numéro 6 et la solive simple numéro 7 (toutes deux à la cave). D’autre part, le mur porteur du rez-de-chaussée est écarté de 20 pouces seulement, centre à centre, de la solive double numéro 6, et ne se trouve pas donc juste au-dessus de la solive simple numéro 7:

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SCHÉMA 4: En A, la solive centrale renforcée, c’est-à-dire la solive double numéro 6; en B, la solive simple numéro 7.  L’espace AB est de 23 pouces centre à centre, mais l’espace CD entre la solive 6 et le mur porteur du rez-de-chaussée (RDC), est de 20 pouces.

La charge est donc partiellement en porte-à-faux. Cette apparente négligence n’est pas exceptionnelle.  Considérons le schéma suivant:

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SCHÉMA 5: Disposition approximative des pièces du rez-de-chaussée; noter que les solives du sous-sol, représentées ici par des pointillés, ne sont pas exactement au-dessous des murs porteurs.  (Note 1)

Le mur porteur principal, qui fait pratiquement toute la profondeur de la maison, est légèrement décalé vers la gauche par rapport à la solive censée le soutenir.  Comme indiqué  plus haut, cet écart est de 3 pouces.  Mais le mur porteur secondaire, destiné à soutenir des solives orientées nord-sud à l’étage, est lui aussi décalé par rapport à sa solive du sous-sol.  Il se peut, par ailleurs, que le mur sud de la salle de bain du bas soit aussi porteur, bien qu’il soit difficile de le vérifier.  À tout événement, il est aussi décalé par rapport à la solive correspondante au sous-sol.  Décidément, notre charpentier de 1910 était distrait!  À moins qu’il ait accordé toute son attention à l’esthétique de la façade et qu’il ait un peu sacrifié la stabilité des murs porteurs à des dimensions pré-choisies de la cage d’escalier, de l’escalier et des portes extérieures.

Le mur porteur principal couvre toute la profondeur de 35 pieds de la maison, à l’exception de trois espaces d’environ 32 pouces chacun permettant de circuler d’une pièce à l’autre (et, dans un cas, de circuler du rez-de-chaussée à l’étage).  Il est constitué in extenso de pièces de 3 x 3 en bois brut, placés à 12 pouces centre à centre.  Un espace récemment ouvert en donne une idée:

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PHOTO 5: Détail du mur porteur principal, en 3 x 3, avec ses travers, ou entretoises, réglementaires.  On est ici sous la cage d’escalier, au RDC.

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PHOTO 6: Détail du mur porteur secondaire, tout juste ouvert, en décembre 2017, pour aménager quelques tablettes.  Il est fait en 2 x 3 et non plus en 3 x 3 comme le mur porteur principal, mais les montants sont aussi écartés de 12 pouces   On est encore sous la cage d’escalier, au rez-de-chaussée.

Les solives situées sous le plancher de l’étage sont faites de 2 x 9, espacées de 24 pouces centre à centre et disposées dans le sens nord-sud (et non plus dans le sens est-ouest comme les solives situées sous le plancher du rez-de-chaussée). De chaque côté, elles s’appuient probablement sur les briques des murs latéraux, ou mitoyens (comme indiqué par l’architecte Jules Auger pour des maisons de la même époque) et vers le centre, elles s’appuient sur le mur porteur principal qui fait toute la profondeur de la maison.  Il se peut aussi qu’une partie de la charge repose sur le mur porteur secondaire (le mur sud de la cage d’escalier), de même que sur le mur sud de la salle de bain du bas, dont on n’a peut-être pas dédaigné les services d’appoint ici.

Quant au plancher de l’étage lui-même, il est fait de planches bouvetées d’un pouce, disposées perpendiculairement par rapport aux solives et recouvertes de planches de finition bouvetées en bois mou.

À noter aussi: le plancher de l’étage incline un peu vers le centre, plus que celui du rez-de-chaussée.  C’est sans doute un effet de l’ajustement déficient des murs porteurs les uns sur les autres, autant ceux du rez-de-chaussée que de l’étage comme tel.  On ne peut pas écarter non plus que les solives en bois plein aient un peu fléchi et donc contribué aussi à l’inclinaison des planchers.

Le plancher de l’entre-toit

Avant de parler de la structure du toit lui-même, il faut dire un mot de ce qui soutient le plancher de l’entre-toit, qui a servi de surface de travail pour construire le toit comme tel.  Pour cela, il faut considérer la disposition des pièces à l’étage, dont certains murs peuvent servir de murs porteurs pour le plancher de l’entre-toit:

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SCHÉMA 6: Disposition approximative des pièces de l’étage; en pointillés, le mur porteur du rez-de-chaussée; noter que le mur est-ouest de la cuisine-atelier, à l’étage, n’est pas aligné sur le mur porteur du rez-de-chaussée; le mur nord de la cage d’escalier, lui, est le même pour les deux niveaux et donc est aligné comme il convient; la grande pièce centrale est entièrement libre de toute colonne et de tout mur porteur, ce qui suggère que les deux murs nord-sud, reposant sur des solives est-ouest, pourraient être porteurs. (Note 1)

À coup sûr, les murs de la cage d’escalier sont porteurs, eux qui partent du rez-de-chaussée et se rendent jusque sous le plancher de l’entre-toit.  Il est possible que le mur situé entre la chambre principale et la cuisine-atelier, de même que le mur de la salle de bain, portent aussi une partie de la charge.  Mais dans la grande pièce centrale, il n’y a ni mur ni colonne qui pourrait soutenir le plancher de l’entre-toit.  Serait-il possible que les murs situés entre les chambres et la grande pièce centrale, écopent d’une partie de la charge apparemment laissée en plan par cette absence de mur ou de colonne dans la grande pièce centrale? Peut-être, mais c’est bien difficile à vérifier.

Comme à l’étage, les solives de l’entre-toit sont disposées dans le sens nord-sud, de façon à ce qu’elles s’emboîtent dans des espaces aménagés dans les murs latéraux, ou mitoyens, porteurs.  Mais on a ici un débord de toit de 5 pieds, utile pour bloquer une partie des rayons du soleil pendant l’été.  Il faut donc supposer (sans pouvoir le vérifier visuellement) que sur 5 ou 10 pieds, les solives de l’entre-toit soient plutôt orientées de l’est à l’ouest:

schc3a9ma-7-jpeg.jpgSCHÉMA 7: On a ici une représentation probable de la disposition des solives au plancher de l’entre-toit: la plupart des solives sont orientées nord-sud et sont encastrées dans les murs latéraux porteurs; mais du côté ouest, elles sont orientées est-ouest, appuyées sur le mur de briques ouest et fixées sur une solive nord-sud doublée.  On peut supposer que les solives nord-sud qui passent au-dessus de la grande pièce centrale de l’étage sont d’une seule pièce, donc mesurent 25 pieds, à moins que des tronçons de 16 pieds aient été fixés ensemble assez solidement pour équivaloir à des solives complètes de 25 pieds.

Notons au passage, qu’il y a aussi débord au niveau du rez-de-chaussée et de l’étage sur toute la largeur de la maison.  S’il y a prolongement des solives du sous-sol au niveau du rez-de-chaussée, il a fallu à l’étage faire à peu près ce qu’on suppose pour le plancher de l’entre-toit.

Mais avant d’aller plus loin, il faut parler du plancher de cet entre-toit, qui a servi d’espace de travail au charpentier qui a réalisé le toit.  Ce plancher est constitué de planches grossières d’un pouce, recouverte d’un papier noir numéro 15 (pour empêcher de petites quantité d’eau de condensation d’atteindre trop vite le bois, sans doute; en effet, ce toit n’est pas isolé, ce qui fait que par grand froid, la face extérieure du toit est plus froide que sa face intérieure, d’où une faible condensation occasionnelle).

Cette surface horizontale repose sur des solives de 3 x 8 disposées dans le sens de la largeur de la maison, sur une distance donc de 25 pieds.  Ces puissantes solives semblent appuyées aux deux extrémités sur les murs de briques mitoyens, plus exactement sur les murs latéraux de la maison, sans affecter évidemment les murs latéraux des deux maisons voisines.  À défaut de pouvoir démolir une partie de cette surface horizontale, on peut sans doute se fier à l’ouvrage historique de Jules Auger sur la structure des maisons de cette période (voir plus haut le SCHÉMA 2).

Si les appuis de chaque côté semblent relativement fiables, il en est peut-être autrement  au milieu.  D’une part, le mur porteur devrait aller de l’avant jusqu’à l’arrière de la maison, et donc faire 35 pieds.  Or s’il couvre bien 13 pieds de  l’avant vers le milieu et 13 pieds de l’arrière vers le milieu, il est absent de l’espace compris entre ces deux sections, c’est-à-dire sur 9 pieds.  (Voir plus haut le SCHÉMA 6, qui indique où se trouve les tronçons du mur porteur à l’étage)

Il est vraisemblable qu’on a voulu à un moment donné créer une grande pièce au centre du deuxième étage en enlevant une section jugée encombrante du mur porteur.  Et on n’a pas jugé utile de mettre au moins une colonne au milieu pour le remplacer.  Comme la plate-forme de travail du toit semble étonnamment stable, il est possible, comme indiqué plus haut, que les puissantes solives de 3 x 8 qui le soutiennent couvrent tout l’espace de 25 pieds, ou encore qu’on ait fait chevaucher des solives de 16 pieds deux par deux en les clouant l’une à l’autre.  Ces hypothèses pourraient à la rigueur être vérifiées, mais il faudrait démolir plus que de raison.

Structure du toit

Parlons maintenant de la structure du toit lui-même.  Comme on le sait déjà, la maison fait 25 pieds de largeur par 40 pieds de profondeur, si on inclut un débord de toiture d’environ 5 pieds à l’arrière.  En montant sur le toit, on peut observer  les sorties suivantes, en plus des ventilateurs: une cheminée en maçonnerie, puis un avaloir de toit (ou drain de toiture) et enfin un puits de lumière (souvent appelé skylight à Montréal).  En photo prise à partir du nord-ouest, on a donc:

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PHOTO 7: Photo du toit, montrant, au fond, la cheminée en maçonnerie, puis, perçant la neige, le drain de toiture et enfin le puits de lumière

On peut observer le toit de l’intérieur, partiellement, par deux accès distincts.

Commençons par la partie est, qui est aussi la plus grande.  L’accès se trouve sur une des parois des murets qui forment une sorte de cage, sous le puits de lumière.

Voici une photo de cette petite entrée, juste pour fixer les idées:

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PHOTO 8: Détail de la cage du puits de lumière, avec l’accès à l’entre-toit; noter le solide madrier auquel sont fixés, en haut, les chevrons qui doivent s’arrêter au puits de lumière

Par cette petite porte, on peut observer la partie avant de l’entre-toit et où on ne voit heureusement aucune trace de l’ancien toit qui dépare la partie arrière.  À condition de rentrer le bedon, on peut même se glisser dans l’entre-toit lui-même, afin de jeter un coup d’oeil de chaque côté de la cage du puits de lumière, vers le milieu du toit et donc vers la colonne de chute de la plomberie, qui est coiffée à l’extérieur par l’avaloir de toiture.

Passons à la charpente du toit comme telle.

Comme indiqué précédemment, la surface de travail de ce toit à pente 1:12 est faite de planches de planches d’un pouce recouvertes de papier noir numéro 15 (pour recevoir l’eau de condensation du toit et lui permettre de s’évaporer); une partie de ce vieux papier numéro 15 a été remplacé par une solide pellicule de plastique, comme on le voit dans les PHOTOS 11 et 12.

Quand à l’armature du toit, elle est essentiellement constituée de chevrons et de quelques fermes de toiture.  Les chevrons sont des 2 x 4 placés debout qui descendent en pente douce (1:12), vers le drain de toiture; ils sont placés parallèlement, aux 24 pouces centre à centre.  Les chevrons, sont en principe soutenus par des fermes de toiture installées aux 6 pieds, visiblement construites sur place:

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PHOTO 9: Deux chevrons en 2 x 4 descendent en pente douce vers le drain de toiture; sous les chevrons se trouve une ferme de toiture complète avec membrure du bas constituée de 2 x 3, membrure du haut en pièces de 3 x 3 et poteaux aux 12 pouces centre à centre; noter la rencontre des sections de la membrure du haut sur le poteau de droite et la pente de la membrure du haut qui remonte à droite.

La membrure (chord en anglais) du bas de la ferme est constitué d’un 2 x 3 posé à plat. La membrure du haut de la ferme est constitué par un 3 x 3.  Des poteaux nains en 3 x 3 sont disposés aux 12 pouces. Pour réaliser la pente 1:12 du toit, les poteaux nains doivent être de plus en plus courts à mesure qu’on s’approche du drain de toiture, c’est-à-dire, ici, pour aller de l’est vers l’ouest.

De plus, la pente 1:12 doit aussi aller du nord vers le milieu et du sud vers le milieu.  Ce qu’on réalise en donnant cette pente à chaque moitié des fermes de toiture.  En pratique, il y a relativement peu de fermes de toiture complètes.  Souvent, on a recours à de simples poteaux nains qui soutiennent directement les chevrons et reposent sur un 2 x 3 posé horizontalement sous la base.

Malgré son utilité pour l’éclairage de la grande pièce centrale de l’étage, le puits de lumière pose des problèmes de structure.  D’une part, le plancher de l’entre-toit doit s’interrompre, ce qui est compensé par une pièce de bois qui joint les deux solives les plus proches:

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PHOTO 10, prise du côté sud du puits de lumière: pièce de bois qui, au plancher de l’entre-toit,  joint deux solives écartées de 4 pieds.

Les chevrons, quant à eux, doivent enjamber cet espace de 4 pieds, comme on le voit ici:

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PHOTO 11: sur cette photo qui montre le côté nord du puits de lumière, on voit que les chevrons, au plafond, enjambent les 4 pieds occupés par le puits de lumière.

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PHOTO 12: autre vue du côté nord du puits de lumière, où on entrevoit, à gauche au fond, la partie horizontale de la colonne de chute; noter que l’espace réduit ne permet pas de l’atteindre pour la vérifier ou la réparer.

On a donc la séquence suivante, sous les chevrons, en  allant de l’est vers l’ouest (et vers le drain de toiture):

. des chevrons qui reposent, sur le toit avant (côté est), en fait sur une pièce de bois appuyée sur le carré de maison (c’est en quelque sorte une ferme de toiture formée de la seule membrure supérieure, d’une hauteur d’à peu près 15 pouces);

. 6 pieds plus loin, on n’a pas encore de ferme complète, puisque des poteaux nains de 12 ou 13 pouces, reposant sur un 2 x 3 couché, soutiennent directement les chevrons, sans la présence d’une membrure supérieure en 3 x 3;

. encore 6 pieds et on voit enfin apparaître une ferme de toiture complète, comme on le voit sur la PHOTO 12, avec des poteaux nains qui mesurent 11 pouces au milieu;

. on continue de la même manière, en contournant toutefois le puits de lumière, jusqu’au drain de toiture, qui coiffe une partie horizontale de la colonne de chute.  Au-delà du drain de toiture, on atteint la hauteur minimale du toit; un simple 2 x 4 placé debout fait office de ferme de toiture. Cela qui signifie que la partie est de l’entre-toit est ventilé exclusivement par ses deux ventilateurs et qu’il en est ainsi pour la partie ouest, dont nous allons parler bientôt.

Concrètement, le charpentier de 1910 a sans doute  installé d’abord une ferme de toiture complète à 12 pieds de l’extrémité est du toit.  La pente 1:12 a été atteinte en plaçant une pièce de 2 x 4 de 12 pieds dans le sens est-ouest et en ajustant en conséquence les poteaux nains de la ferme. Mais il a fallu aussi mettre la ferme en pente vers le centre dans le sens nord-sud; pour y arriver, il a créé une membrure supérieure en deux sections, dont l’une va vers le sud et l’autre vers le nord; il suffisait alors de retravailler les poteaux nains pour arriver à la fameuse pente 1:12.  Bref, on a à peu près ceci:

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 SCHÉMA 8: une  ferme de toit orientée nord-sud dont la membrure supérieure, en deux parties, a une pente de 1:12; les chevrons sont constitués de 2 x 4 placés debout et ils touchent la ferme avec une pente de 1:12.

Le charpentier a répété la même opération au-delà du puits de lumière.  Une fois ces deux fermes de base mises en place, il lui restait à renforcer le tout à l’aide de poteaux nains soutenant directement les chevrons, sans membrure de ferme supérieure.

Passons maintenant à l’autre section de l’entre-toit, bien moins accessible que la première.  Son accès est situé à l’arrière, sous le débord du toit.

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PHOTO 13: Porte de l’accès arrière de l’entre-toit, sous le débord du toit; accès aménagé durant les années 1990.

En se faufilant par cet accès étroit, on voit d’abord une surface en planches embouvetées, surprenante à cet endroit:

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PHOTO 14: Surface au-dessus de l’accès arrière de l’entre-toit, qu’il a fallu découper pour arriver à l’entre-toit comme tel.

Passé cet obstacle, on a la surprise de constater que la partie arrière du toit, sur environ 15 pieds, repose sur un autre toit de gravier plus ancien. On a rabattu cet ancien toit sur la surface de travail, c’est-à-dire sur le plancher de l’entre-toit, sans doute après avoir retiré les poteaux nains qui le soutenaient.  Au-dessus de cet ancien toit, on a construit le vrai toit, soutenu par des chevrons en 2 x 3 placés debout, dirigées vers le milieu et écartés aux 16 pouces.  Sous ces 2 x 3. on s’est contenté, en général, de disposer tous les 4 pieds, sous les chevrons, des poteaux nains en 2 x 3 qui raccourcissent en allant des bords vers le milieu. (On a 12 pouces aux bords et à peine 3 ou 4 pouces 15 pieds plus loin.)

Le charpentier a cependant réalisé une ferme complète, qui lui permettait de donner une pente 1:12 vers le centre.  Dans l’autre sens, il s’est contenté d’appuyer sur la ferme un chevron placé à chaque coin, à 45 degrés du toit.

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PHOTO 15: Photo peu réussie de l’entre-toit, vu par l’accès arrière; au sol, on voit l’ancienne toiture défectueuse, qui a été rabattue sur la surface de travail de l’entre-toit; en haut, on voit quelques chevrons, soutenus par l’unique ferme de toiture de cette partie du toit; le reste de cette partie du toit est soutenu par des poteaux nains en 2 x 3 fixés directement sous les chevrons.

En observant cette partie arrière du toit, on a la nette impression d’un travail carrément expédié, pour ne pas dire «botché».  En effet, si le premier toit posait un problème quelconque, on aurait pu l’enlever.  On a choisi la voie facile (et plus courte) de le laisser en place.  Heureusement, il occupe seulement un espace de 4 ou 5 pouces au-dessus de l’espace de travail, ce qui laisse de la place pour la ventilation.  À tout événement, on a avec cet ancien toit une deuxième surface de travail bien solide!

On a ensuite recouvert le toit de planches bouvetées d’un pouce, recouvertes, sans doute, d’un autre bois plus fin.

3) Reconstruction de notre maison à toit plat

Passons maintenant à la reconstruction possible.  On pourrait peut-être, à la rigueur, utiliser les mêmes techniques et matériaux qu’autrefois.  Mais pourquoi écarter des améliorations, s’il s’agit vraiment d’améliorations?  Voici donc une esquisse de reconstruction, à soumettre éventuellement à un ingénieur en structure apte à détecter ses failles.

Attardons-nous principalement à la structure de la maison, le reste étant partiellement traité ailleurs sur ce site.  Un des grands problèmes consiste à remplacer les poutres et solives.  Or justement, une innovation locale (elle vient de Trois-Rivières) semble tout à fait acceptable.

Une solive ajourée très sexy

Examinons attentivement les deux photos qui suivent:

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PHOTOS 16 et 17, prises à la mi-janvier 2018 dans le quartier Villeray à Montréal; il s’agit de la construction d’une maison à toit plat en lieu et place d’un garage démoli, qui était auparavant joint à la maison attenante; noter l’entrée de garage sous-terrain à droite, dans la première photo.

Poutres et solives du rez-de-chaussée ont été remplacées par des solives ajourées de 16 pouces de hauteur.  Ce qui frappe, dans ces solives ajourées, c’est l’utilisation répétée de triangles équilatéraux en 2 x 2 fixés avec une puissante colle dans les rainures d’un 2 x 4 en haut et d’un autre 2 x 4 en bas.  Ces triangles rappellent la structure du toit d’une maison en pente (section 9.8) étudiée ailleurs sur le présent site et dont la solidité est avérée.  Les travers (ou faux entraits) à mi-triangle ne sont pas nécessaires ici, car la base de chaque triangle (l’«entrait», en quelque sorte) sert d’appui au triangle suivant.  Chose intéressante, ce produit industriel semble avoir des ancêtres artisanaux locaux, comme en témoigne cette photo (transmise par RL, le 29 janvier 2018) du plancher de l’étage, dans une maison de banlieue construite il y a 30 ou 40 ans:

ancêtre open joist rigaud

PHOTO 18 du plancher de l’étage d’une maison de banlieue où on voit des solives ajourées fabriquées sur les lieux par le charpentier.

À l’extrémité gauche de chaque solive ajourée industrielle, on voit qu’il y a une section de panneau à particules orientées structural (structural quality OSB panel) qui remplace les triangles: il s’agit d’une section qu’il est possible de découper pour bien ajuster la solive à l’espace à remplir.  Évidemment, une telle poutrelle ajourée permet de passer fils et tuyaux sans avoir à couper quoi que ce soit, sauf au milieu, où un panneau d’OSB semble destiné à être percé de trous ronds pour passer des tuyaux de plomberie plus importants.  Comme elle n’utilise aucune plaque métallique (post numéro 5),  cette poutrelle est peu sujette à s’effondrer brusquement en cas d’incendie.

Pourtant, on peut difficilement nier qu’un réseau de 2 x 2 est plus faible qu’un réseau de 2 x 4 (et à plus forte raison qu’un réseau de 2 x 6) du type suivant:

2 x 4 floor or roof truss

SCHÉMA 9: ferme en 2 x 4 avec configuration Howe, en triangles rectangles, souvent choisie pour les toits; en fait, le côté vertical de chaque triangle rectangle est un simple poteau et l’hypoténuse sert surtout d’appui à ce poteau.

C’est pourquoi il faudrait peut-être utiliser le produit trifluvien pour les planchers seulement, et encore, en respectant scrupuleusement les indications du fabricant quand il recommande des renforcements.

Open Joist Triforce  : tel est le nom de ce produit.  (Son nom pas très local s’explique sans doute parce que le fabricant, Barrette Structural,  vise le marché américain.)  D’ailleurs, les spécifications techniques  sont nettement plus complètes en anglais; c’est donc cette version qu’il faut surtout utiliser.

Il est fort difficile de trouver une évaluation critique indépendante de ce produit, c’est-à-dire qui ne repose pas sur les études du fabricant lui-même.  Une décision d’arbitrage laisse entendre que l’isolation sonore (paragraphe 57) de ce type de solive ajourée pourrait laisser à désirer.  Il serait donc prudent de prévoir une forme ou l’autre d’isolation sonore entre les étages, si cet aspect paraît important aux occupants éventuels.

Charge permanente et surcharge

Avant de mettre en œuvre (virtuellement!) la solive ajourée industrielle trifluvienne, il faut aborder brièvement la question des normes concernant la charge que doivent supporter les solives de plancher et de toit.

Avant d’aborder les normes locales, il faut faire un petit détour qui nous permettra de bien saisir la question.  Un document universitaire américain particulièrement réussi (Paul Fisette 2003) explique l’essentiel de ce qu’il y a à savoir en la matière: la charge permanente (dead load), c’est le poids des matériaux; la surcharge (live load) est lié à l’usage qu’on fait des lieux et comprend notamment la charge due à la neige et au vent.  Quant à la déflexion, ou déformation (deflection), elle désigne la courbure qui est imposée à une poutre quand la charge est maximale; par exemple, une solive qui a un indice de déformation de L/360 et qui mesure 10 pieds (120 pouces) va se courber au maximum de 120"/360, soit de 1/3".

Caractéristiques et qualité du bois

En plus de la charge permanente, de la surcharge et de la déflexion, il faut notamment parler de la force du matériau quand on le courbe (le facteur Fb), du coefficient d’élasticité (le facteur e ou E) et de l’estampille que portent les pièces de bois, comme on l’explique plus en détail dans cet article.

Mesure des charges

L’auteur du document universitaire américain donne un exemple de charge tiré des tables du One and Two Family Dwelling Code, publié par le CABO (Council of American Building Officials), un code qui sert souvent de modèle aux États-Unis:

pour les solives du plancher d’un rez-de-chaussée, prévoir une charge permanente de 10 livres par pied carré (dead load of 10 psf) et une surcharge de 40 livres par pied carré (live load of 40 psf); facteur de déformation (deflexion): L/360;

pour les solives du plancher de l’étage, prévoir une charge permanente de 10 livres par pied carré (dead load of 10 psf) et une surcharge de 30 livres par pied carré (live load of 40 psf); facteur de déformation (deflexion): L/360.

On arrive donc à une charge totale de 50 livres par pied carré pour le plancher d’un rez-de-chaussée et de 40 livres par pied carré pour le plancher de l’étage.

De son côté, le Trust Plate Institute of Canada (TPIC) calcule (p. 25), pour un plancher, une charge permanente de 15 livres par pied carré (dead load of 15 psf) et une surcharge de 40 livres par pied carré (live load of 40 psf).  On obtient une charge totale, un peu plus élevée, de 55 livres par pied carré (sans distinction entre le rez-de-chaussée et l’étage).

Le même organisme essaie d’estimer la charge pour un toit (p. 24).  La charge permanente serait à peu près de 20 livres par pied carré et la surcharge se calculerait comme suit:  55% (au moins) de la charge de neige au sol + la charge de la pluie.  Or à Montréal, la charge de neige au sol est estimée à 54.3 pouces et la charge de la pluie est estimée à 8.35 pouces.  On calcule donc: .55 x 54.3 + 8.35 ≈ 40 livres par pied carré.

Mais qu’en est-il d’un toit plat?  Un ouvrage collectif sérieux (Madan Mehta et autres, Building Construction, Principles, Materials and Systems, 2008) indique ceci, à la page 64: «Pour un toit plat ou un toit presque plat, la charge de neige devrait théoriquement être égale à la charge de neige au sol» (For a flat or a near flat roof, the snow load should theoretically be equal to the ground snow load).  Le vent (qui pousse la neige plus loin) ou la chaleur venant d’un toit non isolée (qui fait fondre une partie de la neige), disent les auteurs, font partie des facteurs qui peuvent abaisser la charge de neige sur un toit plat, parfois jusqu’à 60%.

Mais, ici, le toit dont nous parlons reçoit plus que sa part de neige poussée par le vent à partir des toits voisins.  Nous voulons aussi qu’il soit bien isolé et donc il n’y aura pas beaucoup de chaleur venue du dessous pour faire fondre la neige sur le toit.  Et enfin, les hivers actuels, où alternent neige et pluie, font craindre que la neige mouillée et la glace augmentent de façon sensible la charge que devra supporter le toit.  Tout cela pour dire qu’en tout respect pour le TPIC, nous utiliserons plutôt le calculateur de Jabacus, en entrant High comme facteur d’importance et 1:12 comme pente.  Résultat: la charge de neige est de presque 60 livres par pied carré à l’hôtel de ville de Montréal pour un toit quasi plat.  Ajoutons la charge de pluie (8.35) et une charge permanente de 20 livres par pied carré et nous obtenons un total de près de 90 livres par pied carré.  Si l’on en croit Mehta 2008 (p. 63), on pourrait négliger la charge permanente de 20 livres par pied carré: «Pour planifier un toit, on choisit la valeur la plus grande, soit la charge permanente du toit, soit la charge de neige» (A roof is designed for either the roof live load or the snow load, whichever is greater).  Mais nous allons conserver notre chiffre de 90 livres par pied carré, pour minimiser les risques de dommages au toit projeté.

Normes minimales en matière de calcul des charges et en matière de qualité du bois

Voyons maintenant quelles sont les normes minimales édictées par le Code national (canadien) du bâtiment (CNB), dans son édition 2015.  Le CNB (Annexe C, tableau C-20) indique qu’à Montréal, la charge de neige au sol est de 2.6 kPa et la charge due à la pluie est de .4 kPa.  Le même CNB (article 9.4.2.2) propose le calcul suivant:  Surcharge due à la neige, à Montréal, = .55 x 2.6 kPa + .4 =1.47 kPa, soit 30.7 livres par pied carré.  Ajoutons 20 livres par pied carré pour la charge permanente et nous obtenons un total d’à peu près 51 livres par pied carré comme charge que doit supporter un toit à Montréal. Avec une charge calculée de 90 livres par pied carré, nous sommes décidément en zone confortable!

Concernant la qualité du bois de construction, le CNB (Tableau 9.3.2.1) examine les différents usages qu’on peut en faire.  S’il s’agit de madriers porteurs, on recommande les qualités, Stud, Standard ou No. 2 (NOTE 2); il faudrait donc éviter, autant que possible, les qualités (inférieures) Utility et Economy et, à défaut de bois Select, opter de façon consistante pour les qualités Stud ou Standard,  ou, au pis aller, No. 2.  Comme indiqué plus haut, les grandes surfaces, du moins certaines d’entre elles, se sont ajustées à ces normes et offrent ces temps-ci (21 février 2018) les qualités Stud ou No. 2.

La solive ajourée OJ418

Mais revenons à l’Open Joist trifluvien et concentrons notre attention sur sa version OJ 418: il s’agit d’une solive ajourée faite de triangles équilatéraux de 2 x 2  solidement collés aux rainures d’un 2 x 4 en haut et d’un autre 2 x 4 en bas. Pour une portée de 25 pieds, il convient de prendre une longueur de 26 pieds, quitte à enlever environ un pied à l’une des extrémités.

Pour notre plancher du rez-de-chaussée et de l’étage, où la charge estimée est de 55 livres par pied carré, il suffirait d’installer ce type de solive ajourée à tous les 16 pouces centre à centre (et de fixer au-dessus un plancher de plywood de 5/8e de pouce).  Nous allons pourtant privilégier un espacement de 12 pouces, autant pour le plancher du rez-de-chaussée que pour le plancher de l’étage.  Pour le plancher de l’entre-toit, où la charge prévue est plus importante, nous allons devoir changer de produit, comme nous le verrons bientôt.

Dans sa version OJ418, donc, ce produit a l’avantage d’avoir une portée de 26 pieds, soit environ un pied de plus que ce qui est requis ici.  Il n’est donc pas nécessaire de le soutenir au milieu, bien que cela ne nuirait pas de le faire.  Notons en passant que les deux derniers chiffres (18) indique un coefficient d’élasticité, e, de 1.8, ce qui est très bon, si toutefois cette affirmation du fabricant, à la page 4 de son guide, correspond bien à la réalité.

Liens continus et joints aux rives de la solive ajourée OJ 418

Par contre, il faut installer un lien continu (strongback) en 2 x 6 d’une solive à l’autre (à environ 12 pieds du bord) pour les immobiliser solidement:

liens continus-barrette_triforce-guide-installation

lien continu triforce open joist

SCHÉMA 10 provenant du manuel technique «Triforce, Solive ajourée, Guide d’installation», p. 11:  liens de renforcement au milieu des solives.

Il faut aussi fixer ensemble les extrémités (les rives, rims) des solives avec des panneaux d’OSB:

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PHOTO 19 tirée du manuel technique «Triforce Open Joist, Canadian Edition Specifier Guide», p. 13: installation d’une bordure en OSB aux extrémités d’une solive ajourée.

Mais peut-être faudrait-il plutôt utiliser du plywood ¾, car nous devrons sans doute clouer à partir de l’intérieur, puisque nous devrons travailler avec des murs de briques déjà érigés.

Débords en porte-à-faux à l’arrière

Rappelons que notre maison est notamment munie d’un débord de toit de 5 pieds, de même que d’un débord de mêmes dimensions pour les galeries au rez-de-chaussée et de l’étage.  Pour l’installation, les instructions du fabricant indiquent notamment (p. 17) que les porte-à-faux perpendiculaires au solives ajourées doivent être solidement renforcées, être constitués de bois plein et s’étendre sur au moins 5 pieds vers l’intérieur:

open-joist-triforce-spec-guide-ca cantilever perpendicular to open joist

SCHÉMA 11, tiré du manuel technique «Triforce Open Joist, Canadian Edition, Specifier Guide», p. 17: détail de l’installation de poutres en porte-à-faux perpendiculairement aux solives ajourées.

Cette remarque vaut au moins pour deux débords, soit celui du rez-de-chaussée et celui de l’étage, qui couvrent tous trois les 25 pieds de largeur de la maison).  Noter qu’il faudra sans doute «gonfler» les poutres en porte-à-faux à l’aide de 2 x 4, afin qu’ils arrivent à la même hauteur que les solives ajourées.

L’électricien

Il est temps de faire ici appel à l’électricien, qui indiquera où, à l’avant, il convient de faire une ouverture dans les fondations pour faire pénétrer les câbles électriques.  Si les compteurs peuvent être installés à l’intérieur, au sous-sol, prévoir une petite pièce en blocs de béton pour limiter l’intensité des ondes émises par les compteurs.  S’il faut les mettre à l’extérieur, insister au moins pour qu’ils soient peu visibles.  Prévoir une peinture aux mêmes fins sur le tuyau qui descendra le long du mur de briques avant.  Viser une installation de 200 ampères pour le rez-de-chaussée et de 200 ampères pour l’étage, à moins qu’on envisage des équipements particuliers, comme par exemple une borne de recharge pour autos électriques.  Dans ce cas, il y aurait des calculs à faire.

La cage d’escalier et la structure du rez-de-chaussée

Quant à la cage d’escalier, il faut la laisser libre de la cave au plancher de l’entre-toit (en excluant ce dernier).

Dans la cave, il faut prévoir deux poutres de 14 pieds en bois plein de préférence (Note 3) (des 3½ x 6 sans doute) qui s’appuient sur les fondations à une extrémité et qui reposent sur des poteaux en bois ou des poteaux métalliques à vérin à l’autre extrémité de même qu’au milieu.  Les solives ajourées de 16 pouces (évidemment de longueur inférieure à 25 pieds, soit à peu près 10 pieds) s’appuieront perpendiculairement sur ces deux poutres, comme on le voit sur cette illustration partielle:

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SCHÉMA 12: la cage d’escalier est perpendiculaire aux solives; de part et d’autre de la cage d’escalier, les solives ajourées raccourcies reposent sur des poutres en bois plein (de préférence, Note 4); les poutres sont soutenues par des poteaux en bois ou des poteaux en métal à vérin; les solives ajourées pleine longueur commencent à la tête de la cage d’escalier et la première est fixée sur un bout de poutre double d’extrémité.

Noter qu’il faut renforcer les solives raccourcies placées au-dessus des deux poutres de la cage d’escalier, car un mur porteur s’appuiera sur elles au rez-de-chaussée; le renforcement en question peut consister en une section de panneau d’OSB entre deux longueurs de 2 x 4, disponible comme produit industriel chez le fabricant des solives ajourées.

renforcement pour fortes charges.png

PHOTO 20, tirée du manuel technique «Triforce Open Joist, Canadian Edition Specifier Guide», p. 14: renforcer l’extrémité des solives raccourcies du plancher du rez-de-chaussée, en vue de soutenir un mur porteur entre le rez-de-chaussée et l’étage.

Une fois en place la structure du rez-de-chaussée, il faut procéder à l’installation d’une plancher en plywood 5/8 afin de constituer une surface de travail convenable.  Privilégier les vis à patio, faciles à retirer quand il faut revenir en arrière, par exemple pour installer des éléments de plomberie.

La structure des murs

La structure des murs latéraux internes seront en 2 x 6 fixés, à la base, sur un 2 x 6 placé à l’horizontale (c’est la lisse, bottom plate en anglais) et surmontés, en haut  d’une  autre pièce de 2 x 6 aussi placé horizontalement (c’est la sablière, top plate en anglais), que nous allons doubler ici.  Cette structure sera construite au sol, et est destinée en particulier à servir d’appui aux solives ajourées d’où un écart de 12 pouces entre les 2 x 6 verticaux; l’utilisation des murs de briques latéraux comme appui est ici problématique, car les solives pleine longueur peuvent difficilement y être insérées.  Avant de les dresser et de les mettre à un pouce du mur de briques, il faut les recouvrir de panneaux d’OSB, destinés notamment à retenir les matelas de laine minérale qui seront ultérieurement installés.  Calculer la hauteur des murs en prévoyant que le sommet des solives devra être à environ un pied plus bas que les appuis des anciennes solives sur les murs latéraux de briques. (On prépare ici l’espace prévu pour un entre-toit qui sera plutôt un grenier accessible pour entretien et réparation.)

top plate and bottom plate of a wall pictures - Recherche Google

SCHÉMA 13: structure minimale d’un mur de bois; il faudrait ajouter un travers à mi-hauteur pour le renforcement et la résistance au feu.

Voici une photo d’un mur de maison à toit plat en construction, dont le travail est particulièrement soigné:

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PHOTO 21: photo prise mi-février 2018 dans le quartier Villeray; ici, le mur latéral du rez-de-chaussée est en 2 x 6 écartés aux 12 pouces et la sablière en 2 x 6 est doublée;  pour l’isolation et comme protection contre le feu, on avait, antérieurement, construit un mur en blocs de béton creux, derrière lequel on a mis un isolant en polyuréthane giclé.

Quant aux murs avant et arrière du rez-de-chaussée, il faudra aussi les créer à plat à partir de 2 x 6 écartés de 16 pouces (écart suffisant ici), en prévoyant des ouvertures pour les portes et les fenêtres.  Avant de les mettre en place, installer des coins en 6 x 6 ou l’équivalent.  Calculer que le haut du mur (la sablière) sera de niveau avec le futur plancher de l’étage, afin de faciliter l’isolation à venir.  Couvrir la structure des murs de panneaux en OSB, en prévoyant qu’une lisière, à la base, devra rester amovible pour faciliter l’installation d’une membrane de plastique destinée à diriger d’éventuelles infiltrations d’eau vers l’extérieur par le biais des chantepleures percées dans la base des murs de briques.  Couvrir le mur de papier plastifié Tyvek ou l’équivalent et faire l’installation à un pouce des murs de briques.

Pour plus de détails sur les murs et leur érection, voir, sur le présent site, la section 7 de cette partie.

Les solives du plancher de l’étage et la cage d’escalier à l’étage

À l’étage, on installe les murs et les solives de la même manière qu’au rez-de-chaussée et avec les mêmes produits.  Garder en tête que le plafond sera plus bas afin de prévoir un bon espace pour l’entre-toit.  Fixer les solives aux montants des murs avec des connecteurs métalliques.

La cage d’escalier exige la construction de deux murs porteurs de 14 pieds, ce qui a été préparé par la mise en place de poutres de soutien et de renforts de solives raccourcies à l’étape précédente.  On peut s’inspirer des photos 5 et 6, en remplaçant les 3 x 3 par des pièces de 2 x 4, qu’il faudra doubler pour créer la sablière et les poteaux.

Installer des panneaux de plywood 5/8 pour créer le plancher de l’étage et par le fait même une surface de travail pour la suite.  Monter les murs latéraux (en 2 x 6 écartés de 12 pouces) et les murs avant et arrière (en 2 x 6 écartés de 16 pouces) de la même manière qu’au rez-de-chaussée.

L’entre-toit

Les solives du plancher de l’entre-toit seront installées plus bas que les ouvertures déjà existantes dans les murs de briques latéraux, pour la raison que l’on sait.  Évidemment, pas de cage d’escalier à prévoir ici, car elle s’arrête sous le plancher de l’entre-toit.  Les solives seront donc pleine longueur, mais il s’agira d’un produit différent, apte à supporter de lourdes charges de neige mouillée autant que la structure du toit lui-même. Nous avons déjà calculé que la charge de la neige au sol, à Montréal, est de 60 livres par pied carré et nous avons ajouté 10 pour la pluie et 20 pour la charge permanente.  Pour ce total de 90 livres par pied carré, nous optons pour une solive ajourée en 2 x 4 fixés par des connecteurs métalliques (qu’il faudrait, idéalement, renforcer par des vis à patio).  Les tables du fabricant Mitek indiquent, à la page 19, que pour une portée de 25 pieds, il faut des solives de 20 pouces de hauteur espacées de 12 pouces. Sans doute le fabricant trifluvien de la solive ajourée Triforce pourrait-il ici remplacer avantageusement le fabricant américain Mitek.

Comme pour le rez-de-chaussée, il faut prévoir un débord de 5 pieds à l’arrière, à créer en bois plein perpendiculairement aux solives de l’entre-toit.

Le toit et l’entre-toit

Le toit lui-même sera fait de façon artisanale, en imitant les meilleurs aspects du  travail du charpentier de 1910 et en sacrifiant le puits de lumière, qui risquerait d’affaiblir la structure de même que l’isolation. L’entre-toit sera bien dégagé, afin d’y circuler sans trop de problèmes.  Ce sont les solives ajourées du plancher de l’entre-toit qui soutiennent toute la charge, renforcées par les liens continus (strongbacks) et le recouvrement en planches brutes d’un pouce, qu’on trouve actuellement (21 février 2018) en grandes surfaces.

Pour transmettre la charge aux solives ajourées de l’entre-toit, les chevrons seront en pièces de 2 x 6 et les poteaux en 2 x 4 doubles appuyés sur des 2 x 4 simples et surmontés, à quelques endroits clés, d’une membrure en 2 x 4 doubles.  Écartement partout de 24 pouces, suffisant pour transmettre la charge autant que pour faciliter la circulation destinée à l’entretien et aux réparations. Une version modifiée du schéma 8 s’impose donc ici, mais avec des matériaux plus solides et un écartement plus approprié aux conditions actuelles:

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SCHÉMA 14: une  ferme de toit orientée nord-sud dont la membrure supérieure, en deux parties, a une pente de 1:12; les chevrons sont constitués de 2 x 6 placés debout et ils touchent la ferme avec une pente de 1:12; ce schéma 13 reprend le schéma 8, mais les chevrons, la membrure supérieure, de même que les poteaux sont renforcés et les espaces sont considérablement rétrécis, en particulier dans l’axe est-ouest.

L’accès à l’entre-toit sera aménagé sous le débord du toit, accessible à l’intérieur d’un vaste espace de rangement extérieur verrouillé.  Cette porte de «grenier» située à l’extérieur permet de circuler facilement, à un endroit où l’entre-toit n’est pas isolé.

Évidemment, si l’on voulait faire court et vite, il faudrait penser commander des fermes de toit fabriquées sur mesure, avec la pente qui convient.  Adieu alors l’accès à l’entre-toit.  Ce genre de solution semble avoir été retenu pour cette maison:

maison en construction Villeray 2.12.2017

PHOTO 22 prise mi-décembre 2017, dans le quartier Villeray à Montréal: une maison à toit plat en construction, où on a commencé à installer des fermes de toit; la maison semble privée d’entre-toit.

Le plombier

Avant de recouvrir le toit d’un plywood ¾, il faut faire intervenir le plombier, pour procéder à l’installation de la structure de la plomberie: colonne de chute, tuyau d’évacuation de l’eau de pluie, colonne de ventilation.  (Le plombier devra prévoir, à l’étage comme au rez-de-chaussée, l’installation d’une laveuse, d’un lavabo, d’une toilette, de même que d’un évier de cuisine.)

Pour la colonne de chute (ou colonne de ventilation primaire) et le tuyau d’évacuation de l’eau de pluie (ou descente pluviale), privilégier la descente pluviale interne du document de la Régie du bâtiment du Québec sur le sujet:

évacuation des eaux pluviales d’un bâtiment existant à toit plat RBQ.png

SCHÉMA 15, emprunté au «Guide sur l’évacuation des eaux pluviales d’un bâtiment existant à toit plat», Régie du bâtiment du Québec, 2015, page 9

En bref, il s’agit de prolonger la colonne de chute traditionnelle de 150 millimètres (soit environ 6 pouces) à l’extérieur (en pointillé sur le schéma) et d’utiliser l’avaloir de toit (ou drain de toiture) pour diriger l’eau de pluie soit, normalement, vers l’égout municipal, soit, en cas de fortes pluies qui peuvent causer des reflux, vers l’arrière de la maison (en bleu sur le schéma).  Voir avec le plombier s’il ne serait pas possible d’installer une «valve», près de la colonne de chute (entre B et F).  Il se peut, en effet, qu’on souhaite récupérer l’eau de pluie pour arroser des plantes ou nettoyer une surface extérieure.

Quant à la colonne de ventilation, on peut la schématiser de la façon suivante (sans les tés destinés au branchement d’appareils individuels):

plomberie p.24SCHÉMA 16: colonne de ventilation installée parallèlement à une colonne de chute (sans les tés nécessaires au branchement des appareils individuels.

(Pour plus de détails sur cette question, voir, sur le présent site, la section générale consacrée à la ventilation de la plomberie.)

Le support de toiture

Comme indiqué précédemment, le support de toiture sera en plywood ¾, de la meilleure qualité possible et installé avec le plus grand soin.  Envisager de faire appel à un professionnel chevronné pour le mettre en place et le recouvrir d’une membrane élastomère conforme aux normes municipales.  Si l’on cherche un professionnel qui possède un bon dossier, penser à Pareco +, de Lachine.

L’isolation

Pour l’isolation, utiliser de la laine minérale grise (moins sujette à l’humidité que la rose).  Pour les murs, les matelas de laine minérale de 5½ pouces ont un coefficient R de 22 et sont donc suffisants ici.  Sous le plancher de l’étage, il faudrait une isolation sonore, autant que possible de 5½ pouces.  Enfin, pour l’entre-toit, il conviendrait de mettre, l’un après l’autre, trois matelas de laine minérale de 5½ pouces superposés; on arrive alors à un coefficient R de 66, au-delà des exigences les plus courantes.  Rappelons que la laine minérale a une supériorité marquée par rapport à d’autres matériaux: elle n’est pas inflammable, sauf à de très hautes températures.

Partout, une membrane pare-vapeur en polyéthylène de 6 millième de pouce sera  installée du côté chaud des murs et sous le plancher de l’entre-toit.  Le plafond sera de tuiles cartonnées fixées sur des lattes de bois perpendiculaires aux solives.

En matière d’isolation, il est important de noter que tous les tuyaux, tubes et autres éléments du même ordre qui sortent de la maison devraient être soigneusement isolés.  Pour plus de détails là-dessus, voir la fin du texte suivant: CONSTRUIRE UNE MAISON ULTRA ISOLÉE

Les subdivisions

Quant aux subdivisions des pièces, au rez-de-chaussée et à l’étage, on peut les faire à sa guise, mais en retenant que même si les murs ne sont pas porteurs, le fabricant recommande qu’ils reposent sur une solive ajourée, quitte à en ajouter une si nécessaire; on peut aussi, aux mêmes fins, ajouter des appuis entre deux solives, en les fixant avec connecteurs métalliques:

open-joist-triforce-spec-guide-ca appui sous mur non porteur

PHOTO 20, tirée du manuel technique «Triforce Open Joist, Canadian Edition Specifier Guide», p. 15: mur parallèle au-dessus des solives, mais pas exactement au-dessus d’une solive particulière.

Si le mur est perpendiculaire plutôt que parallèle aux solives ajourées, il faut renforcer celles-ci de la manière suivante:

open-joist-triforce-spec-guide-ca appui sous mur non porteur perpendiculaire

PHOTO 21, tirée du manuel technique «Triforce Open Joist, Canadian Edition Specifier Guide», p. 22: mur perpendiculaire au-dessus des solives ajourées.

À l’étage, il y aurait avantage à éclairer la grande pièce du milieu en évitant de dresser un mur entre la cuisine-atelier et cette même grande pièce, si toutefois on retient en gros la disposition du schéma 6.  N’oublions pas, en effet, que nous avons dû supprimer le puits de lumière et que nous avons assombri par le fait même la pièce centrale de l’étage.

Galeries et poteaux

Lorsque le temps sera venu de finir les galeries à l’arrière, il sera important d’installer des poteaux 4 x 4 en bois traité, autant pour soutenir la galerie de l’étage que le débord de toit.

Pour le reste, il s’agit des plaisirs de la finition et ces plaisirs risquent de durer!  C’est pourquoi, il n’est guère besoin de souhaiter que cette maison somme toute solide soit jamais détruite par un incendie.

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Note 1: Voici une autre version (réalisée à l’échelle)) des schémas 5 et 6, sans les solives d’appui, mais avec les dimensions des pièces:

 

Note 2 (section Normes minimales en matière de calcul des charges et en matière de qualité du bois: voici une photo (ondulée!) du tableau où apparaît cette information, qui reste stable d’une version à l’autre du «code»:

img_04561.jpg

Note 3 (section La cage d’escalier et la structure du rez-de-chaussée):  De plus en plus, on nous vante les mérites du bois d’ingénierie plus pratique et plus résistant que le bois plein, même s’il coûte plus cher: on parle de LVL, de glulam, etc.  Tous ces produits ont en commun de contenir une puissante colle hydrofuge, à base de formaldéhyde ou d’un produit qui en est dérivé.  On peut se demander si ce produit finira par se défaire et si la colle en question dégage des émanations allergènes (ou pire…).  Le principe de précaution suggérerait de s’en tenir au bois plein, du moins quand il est disponible dans les dimensions qui nous intéressent.  Mais lorsqu’il s’agit de grandes portées, par exemple 20 ou 24 pieds, il faut bien se résigner à se « moderniser ».

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Ouvrages cités qui ne sont pas accessibles sur Internet:

Jules Auger, Mémoire de bâtisseurs du Québec, Répertoire illustré de systèmes de construction du 18e siècle à nos jours, Montréal, Éditions du Méridien, 1998.

Johanne Lavallée, Liette Charland, Robert Paradis et Jules Auger, Ce qu’il faut savoir pour rénover une maison, Montréal, Libre Expression, 1982.

Madan Mehta, Walter Scarborough et Diane Armpriest, Building Construction, Principles, Materials and Systems, Upper Saddle River (New-Jersey) / Columbus (Ohio), Pearson / Prentice Hall, 2008 (une deuxième édition a été publiée en 2011).

Code national du bâtiment, Conseil canadien des codes du bâtiment et de prévention des incendies, Conseil national de recherches du Canada, Ottawa, 2015.