MESURER LA CHARGE D’UN TOIT PLAT

(Ce qui suit provient, pour l’essentiel, d’un article plus élaboré, qu’on peut aussi lire sur le présent site: RECONSTRUIRE UNE MAISON À TOIT PLAT)

Mesurer la charge d’un toit: notions de base

Un document universitaire américain particulièrement réussi (Paul Fisette 2003) explique l’essentiel de ce qu’il y a à savoir en matière de charge permanente et de surcharge d’un toit: la charge permanente (dead load), c’est le poids des matériaux; la surcharge (live load) est lié à l’usage qu’on fait des lieux et comprend notamment la charge due à la neige et au vent.  Quant à la déflexion, ou déformation (deflection), elle désigne la courbure qui est imposée à une poutre quand la charge est maximale; par exemple, une solive qui a un indice de déformation de L/360 et qui mesure 10 pieds (120 pouces) va se courber au maximum de 120"/360, soit de 1/3".

Mesure des charges d’un toit

L’auteur du document universitaire américain donne un exemple de charge tiré des tables du One and Two Family Dwelling Code, publié par le CABO (Council of American Building Officials), un code qui sert souvent de modèle aux États-Unis:

pour les solives du plancher d’un rez-de-chaussée, prévoir une charge permanente de 10 livres par pied carré (dead load of 10 psf) et une surcharge de 40 livres par pied carré (live load of 40 psf); facteur de déformation (deflexion): L/360;

pour les solives du plancher de l’étage, prévoir une charge permanente de 10 livres par pied carré (dead load of 10 psf) et une surcharge de 30 livres par pied carré (live load of 40 psf); facteur de déformation (deflexion): L/360.

On arrive donc à une charge totale de 50 livres par pied carré pour le plancher d’un rez-de-chaussée et de 40 livres par pied carré pour le plancher de l’étage.

De son côté, le Trust Plate Institute of Canada (TPIC) calcule (p. 25), pour un plancher, une charge permanente de 15 livres par pied carré (dead load of 15 psf) et une surcharge de 40 livres par pied carré (live load of 40 psf).  On obtient une charge totale, un peu plus élevée, de 55 livres par pied carré (sans distinction entre le rez-de-chaussée et l’étage).

Le même organisme essaie d’estimer la charge pour un toit (p. 24).  La charge permanente serait à peu près de 20 livres par pied carré et la surcharge se calculerait comme suit:  55% (au moins) de la charge de neige au sol + la charge de la pluie.  Or à Montréal, la charge de neige au sol est estimée à 54.3 pouces et la charge de la pluie est estimée à 8.35 pouces.  On calcule donc: (.55 x 54.3) + 8.35 ≈ 40 livres par pied carré.

Mesure des charges d’un toit plat

Mais qu’en est-il d’un toit plat?  Un ouvrage collectif sérieux (Madan Mehta et autres, Building Construction, Principles, Materials and Systems, 2008) indique ceci, à la page 64: «Pour un toit plat ou un toit presque plat, la charge de neige devrait théoriquement être égale à la charge de neige au sol» (For a flat or a near flat roof, the snow load should theoretically be equal to the ground snow load).  Le vent (qui pousse la neige plus loin) ou la chaleur venant d’un toit non isolée (qui fait fondre une partie de la neige), disent les auteurs, font partie des facteurs qui peuvent abaisser la charge de neige sur un toit plat, parfois jusqu’à 60%.

Mais il est possible qu’un toit plat reçoive plus que sa part de neige poussée par le vent à partir des toits voisins.  Si nous voulons en plus bien l’isoler, il n’y aura pas beaucoup de chaleur venue du dessous pour faire fondre la neige sur le toit.  Et enfin, les hivers actuels, où alternent neige et pluie, font craindre que la neige mouillée et la glace augmentent de façon sensible la charge que devra supporter le toit.  Tout cela pour dire qu’en tout respect pour le TPIC, nous utiliserons plutôt le calculateur de Jabacus, en entrant High comme facteur d’importance et 1:12 comme pente.  Résultat: la charge de neige est de presque 60 livres par pied carré à l’hôtel de ville de Montréal pour un toit quasi plat.  Ajoutons la charge de pluie (8.35) et une charge permanente de 20 livres par pied carré et nous obtenons un total de près de 90 livres par pied carré.  Si l’on en croit Mehta 2008 (p. 63), on pourrait négliger la charge permanente de 20 livres par pied carré: «Pour planifier un toit, on choisit la valeur la plus grande, soit la charge permanente du toit, soit la charge de neige» (A roof is designed for either the roof live load or the snow load, whichever is greater).  Mais nous allons conserver notre chiffre de 90 livres par pied carré, pour minimiser les risques de dommages au toit projeté.

Normes minimales en matière de calcul des charges

Voyons maintenant quelles sont les normes minimales édictées par le Code national (canadien) du bâtiment (CNB), dans son édition 2015.  Le CNB (Annexe C, tableau C-20) indique qu’à Montréal, la charge de neige au sol est de 2.6 kPa et la charge due à la pluie est de .4 kPa.  Le même CNB (article 9.4.2.2) propose le calcul suivant:  à Montréal, la surcharge due à la neige et à la pluie serait égale à:  (.55 x 2.6 kPa) + .4 =1.47 kPa, soit 30.7 livres par pied carré.  Ajoutons 20 livres par pied carré pour la charge permanente et nous obtenons un total d’à peu près 51 livres par pied carré comme charge que doit supporter un toit à Montréal. Avec une charge calculée de 90 livres par pied carré, nous sommes décidément en zone confortable!

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Ouvrages cités qui ne sont pas accessibles sur Internet:

Madan Mehta, Walter Scarborough et Diane Armpriest, Building Construction, Principles, Materials and Systems, Upper Saddle River (New-Jersey)/Columbus (Ohio), Pearson/Prentice Hall, 2008 (une deuxième édition a été publiée en 2011).

Code national du bâtiment, Conseil canadien des codes du bâtiment et de prévention des incendies, Conseil national de recherches du Canada, Ottawa, 2015.