CONSTRUIRE UNE MAISON ULTRA ISOLÉE

Construire une maison ultra isolée signifie notamment construire des murs épais et envisager de vivre avec une  fenestration limitée, donc avec un éclairage naturel réduit.  Il s’agit nécessairement d’une réalisation expérimentale, qui n’est ni à la portée, ni au goût de tout le monde.  Mais il vaut la peine de s’y intéresser, ne serait-ce que pour identifier des failles dans les maisons ordinaires et chercher les moyens d’y remédier.

Voici quelques indications sur la maison Ozalée (pour plus de détails, voir le blog tenu par les propriétaires).  Il s’agit d’une maison du quartier Ahuntsic à Montréal, qui a obtenu à la fois la certification Leed (qui exige l’emploi de produits écologiques dans la construction de la maison) et la certification Passivhaus (qui exige un niveau élevé d’isolation couplé à de faibles besoins en matière de chauffage).

Le maison Ozalée, dont nous parle le journal Le Devoir du 10 mars 2018, dans son cahier Habitation, a été réalisée à partir d’un immeuble préalable, un bungalow des années 1950:

9940,St Charles - juin 2014

(Photo de Street View prise en juin 2014)

On a retiré le revêtement de briques de même que le toit de cette maison et on a ensuite entrepris de construire une maison de deux étages à toit quasi plat dont l’allure générale actuelle est la suivante:

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(Sur cette photo prise à la mi-mars 2018, on voit l’avant de la maison, peu exposé au soleil et donc muni de fenêtres à surface réduite)

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(Cette photo, prise à la mi-mars 2018, montre l’arrière de la maison, bien exposé au soleil; à travers le grillage, on devine d’assez grandes fenêtres au rez-de-chaussée et, assez curieusement, de plus petites fenêtres à l’étage, où l’ensoleillement devrait pourtant être plus grand.)

Il semble qu’on ait conservé l’essentiel des fondations.  Pour ce qui regarde le plancher du rez-de-chaussée, il a fallu en sacrifier une partie et mettre un nouveau mur porteur vers le milieu:

Maison Ozalée mur porteur RDC.png

On a créé le plancher de l’étage à l’aide de solives ajourées en triangles rectangles, comme on le voit ici:

Maison  Ozalée étage.png

Quant à la structure du toit, elle est faite de fermes de toiture en 2 x 4 liées par des attaches de métal galvanisé:

MaisonOzalée toit

Pour «gonfler» les murs (afin d’y mettre l’isolant de cellulose), on a utilisé des solives verticales ajourées de style Larsen (Larsen trusses), qu’on a installées à l’extérieur des murs:

larsen trusses.png

(Noter que cette photo ne représente pas un stade de construction de la maison et vise seulement à donner un exemple de ferme Larsen)

L’isolation a été faite avec de la cellulose et on arrive à des indices d’isolation impressionnants: pour les murs, un indice de R-66 et pour le toit, un indice de R-107.  Pour évacuer l’air vicié, la maison dispose d’un ventilateur récupérateur de chaleur efficace à 90%.  La chose est d’autant plus importante que des chimistes respectés (journal Le Devoir, 24 mars 2018, p. B10) vont jusqu’à affirmer que l’air intérieur de nos maisons est plus vicié que l’air extérieur, même pollué.  Ils suggèrent donc une aération fréquente par les fenêtres et déconseillent, notamment, les cuisinières au gaz et même, ô surprise, le nettoyage à l’eau de javel.  Quant au radon, ce gaz cancérigène naturel lié à la dégradation de l’uranium, il y aurait peut-être lieu d’en faire la détection grâce à un dosimètre ou en faisant appel à un service spécialisé.

Un schéma très parlant permet d’avoir une idée de l’ensemble des échanges entre la maison et l’environnement, soit surtout, de gauche à droite: l’écoulement de l’eau du toit vers le coin arrière nord et sa récupération dans un réservoir sous-terrain, les débords du toit visant à l’ensoleillement en été, les fenêtres installées surtout au sud afin de maximiser l’ensoleillement en hiver, la super-isolation des murs, du toit et de la dalle de béton au sol, l’échangeur d’air super-performant, la récupération des eaux grises.

Les fenêtres sont à triple vitrage et, comme noté plus haut, sont de faibles dimensions, surtout du côté moins exposé au soleil (soit à l’avant), mais aussi à l’étage à l’arrière, ce qui est un peu surprenant.  Cela suppose, sans doute, que les occupants acceptent de vivre avec un éclairage naturel limité.

Au-delà de cette question, les propriétaires attirent l’attention sur deux failles:

1) Si la maison  est particulièrement confortable en hiver et si ses appareils de chauffage électrique sont très peu utilisés pendant la saison froide, il y a, semble-t-il, une légère surchauffe en été.  Cela signifie qu’au-delà des contraintes imposées par les certifications, la climatisation reste utile dans une maison ultra-isolée.

2) Pendant le processus de certification, les propriétaires ont découvert que beaucoup de chaleur s’échappe par l’évent de la plomberie.  Comme la construction était déjà terminée et qu’il était difficilement envisageable d’ouvrir les murs pour isoler la colonne de ventilation, il ont dû se résoudre à un expédient pour résoudre ce problème: mettre un clapet qui s’ouvre quand la plomberie est utilisée et qui se ferme le reste du temps.  La leçon est à retenir: dans la construction de toute maison, il est important d’isoler les tuyaux qui sortent de la maison: évent de cuisinière, évent de sécheuse, ventilateur de salle de bain et, évidemment, l’ensemble des tuyaux de plomberie qui émergent du toit (colonne de chute, évent de plomberie, tuyau d’évacuation des eaux de pluie sur un toit plat qui se draine par le milieu).

Au total, on a choisi, pour cette maison Ozalée, un concept qui économise l’énergie, mais qui limite l’ensoleillement.  Voici un exemple de l’opposé, que ne désavouerait peut-être pas l’architecte québécois Pierre Thibault, connu pour tendre à intégrer ses réalisations dans l’environnement naturel par le biais d’une abondante fenestration:

pierre thibault architecte photo chalet moderne ukrainien.png

(Cette photo, qu’on dit représenter un chalet moderne près de Kiev en Ukraine, provient d’une publicité des Chalets RSVP.)